BONNE VILLE

Catégorie : ANALYSES
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La BONNE VILLE

RENCONTRE ET SECURITE

 

Aristote est, le premier, celui qui a su définir la ville. "La ville doit être construite de manière à apporter à ses habitants, la rencontre et la sécurité". Cette affirmation simple et percutante reste totalement vraie au XXIème siècle : Toute ville a besoin de lieux de rencontre agréables, bien vécus, appropriés par la population qui donnent envie au plus grand nombre de se retrouver en groupe ou individuellement. Mais ajoutez-y de l’insécurité - dans toutes ses variantes : sécurité des personnes, bruit, peurs - et plus rien ne fonctionne. Construisez une ville ou un quartier très sûr mais sans lieux de rencontres, ce ne sera pas de la ville mais tout au plus un repli collectif sur soi. Le nom des lotissements qui se sont créés récemment autour d’Arras en témoigne : Le clos des charmes, le clos de l’abbaye, le clos du buqueux …. A quand le retour des fortifications ? Ces noms ne cachent-ils pas de manière criante l’envie de calme et de ressourcement que la ville ne semble pas apporter ?

 

LE SOCIAL, LE SPATIAL ET LE RÉGLEMENTAIRE

 Autre phrase fondatrice et clairvoyante en ce début de propos : celle de Saint Augustin qui affirme que « la ville c’est des pierres et des hommes ». Du spatial et du social donc. L'urbanisme est une science pluridisciplinaire, une sorte de synthèse réunissant dans une même préoccupation le social, le spatial et le règlementaire et obligeant à manier l’art et les techniques de l'aménagement dans l'intelligence et la compréhension du développement de notre société.

 Ne pas s'en préoccuper, ne pas le comprendre serait lourd de conséquences pour les citoyens et leurs modes de vie.

  

L’URBANISME : UNE PRÉOCCUPATION ESSENTIELLE DES ÉLUS

 Les auteurs de ce document souhaitent interroger les candidats aux élections et obtenir leur avis sur ce diagnostic et ces propositions. Le débat public de l'urbanisme est important car il concerne l'habitant et ses modes de vie.

 Le premier magistrat de la commune ou de la communauté urbaine porte une responsabilité évidente et directe dans l'aménagement de la ville et des territoires sous son influence : par sa capacité à délivrer des autorisations d'urbanisme, l'élu se place, de fait, en position d'aménageur.

 Cette contribution a pour but de le mettre au centre de cette position et de lui rappeler que la bonne compréhension des problèmes d'urbanisme durable est primordiale parce que cette notion touche à l'économique, à l'environnemental et au social.

  

COMPRENDRE LES MODIFICATIONS SOCIÉTALES

 Les modifications sociales et sociétales de ce siècle sont inédites. Elles sont connues mais il est bon de les rappeler car elles apportent de l’intelligence dans nos projets :

Les habitants déclarent souvent : « on va partir et faire construire une maison à (ville de campagne). On a envie d’être au calme et à la nature ». Mais cette légitime recherche de tranquillité et de ressourcement est-elle satisfaite dans le péri-urbain ? Avec objectivité, très rarement : celui qui a vécu le bal des tondeuses du samedi après-midi, quand ce n’est pas le dimanche matin, et le passage de la sulfateuse dans le champ riverain ne pourra me contredire.

Il faut rechercher les qualités que les gens vont chercher à l’extérieur des villes et les ramener en ville. Hervé VINCENT, Architecte (Lyon).

Cette réflexion doit nous guider dans l’aménagement de la ville car elle traduit intuitivement la première recherche du citoyen : un cadre de vie apaisé intégrant la nature. La responsabilité de l’élu dans cet apport de bien-être est évidente. Yves Duteil, lors d’une intervention à Cité Nature en octobre 2009, illustrait merveilleusement bien cette capacité. Alors qu’il voulait urbaniser un secteur de sa commune (Precy sur Marne), il a fait le choix d’un plan masse favorisant clairement le rapprochement entre habitants. Depuis la livraison de l’opération, disait-il, par la manière dont l’opération a été conçue (desserte voiture par l’arrière et large espace public central ouvert à tous au centre) et par les rapports sociaux qu’ils ont engendrés, des repas sont spontanément et très fréquemment organisés entre habitants : repas malgache, vietnamiens, algériens, … les 13 ethnies présentes dans l’opération offrent autant leurs repas que leurs riches diversités culturelles.

Certes, chacun sait que les demandes des habitants sont souvent individualistes. Mais mises bout à bout, ne traduisent-elles pas, en réalité, une demande sociétale globale : une ville sure, agréable, où les rapports entre personnes sont apaisés. La traduction habitante est : bruit, vitesse, crottes de chien. C’est bien un aspect important de la sécurité et de l’éducation qui s’exprime derrière ces mots que l’on aurait tort de trouver réducteur.

Le cadre de vie que l’on offre au citoyen est déterminant : on peut fabriquer des ghettos ou au contraire des lieux de rencontre. C’est une question de choix politique d’abord et d’intelligence technique ensuite.

« Un homme qui n’est pas informé est un sujet, un homme informé est un citoyen » a dit un jourAlfred Sauvy, sociologue. Faire participer l’habitant n’est pas qu’une obligation règlementaire. Parce qu’il permet au plus humble de s’exprimer, donc d’exister, la démocratie participative (beau pléonasme) est une source d’épanouissement personnel. Quelles que soient ses revendications, il est reconnaissant quand on lui permet cette expression directe.

La rue a ses flux, ses rythmes qui débutent avec l'heure des écoles et des salariés. La matinée est le temps des livraisons. La ville est fréquentée le midi par les salariés en pause autant que par les étudiants des grands bahuts. Les courses et les promenades de l’après-midi font les bonnes heures des commerçants et annonce l'heure de sorties de bureau. Vient enfin l’heure des restaurants avant les sorties théâtres ou cinéma.

Chacun est légitime dans sa fonction pour utiliser le même espace avec ses exigences propres : fonctionnalité, facilité et rapidité d’accès pour les uns, bien être apaisement et sécurité pour les autres. Souvent les demandes peuvent paraître contradictoires. Comment alors partager de l’espace public ?

Mais surtout : Comment anticiper sur une autre vision de l'aménagement, moins dépendante de la voiture et intégrant dès maintenant le vieillissement de la population et ses inéluctables répercussions en terme de mobilité ? La bonne ville est celle qui aura su anticiper. Mais le pas de la ville est un pas long. On estime à 20ans le temps nécessaire pour y apporter des modifications importantes.

Bien sûr, il nous faut un regard global sur ces données fragmentées car interactives : la mondialisation est accélérée par nos voyages à l’autre bout de la planète, rendue possible par les NTIC, parce qu’on a plus de temps libre et que les voyages sont moins chers….. La décohabitation est facilitée par l’autonomie et la circulation.

On peut alors affirmer que l’exclus, de nos jours, est, notamment, celui qui n’a pas accès aux NTIC, ne peut pas se déplacer et n’a pas accès aux loisirs. D’ailleurs, dans la recherche d’emploi, un des premiers critères des demandeurs s’exprime désormais ainsi : pourrai-je encore avoir du temps libre le soir ou le WE ?

LA VILLE DURABLE ET SES EXIGENCES

Ainsi, il apparaît que la ville durable possède un certain nombre de caractères propres :