Il ne sera jamais repris du vivant de Molière et le texte n'en sera imprimé que dix ans après sa mort. Il semble que Wetstein fasse allusion ici aux, Ces derniers mots désignent de toute évidence, la pièce de Dorimond, qui, depuis 1665, avait fait l'objet de plusieurs réimpressions sous le titre de «Le Festin de Pierre, ou l'Athée foudroyé, tragi-comédie, par J.B.P. » (« Je te le donne pour l'amour de l'humanité, pour l'amour, dis-je, de la misère dans laquelle je te vois, et pour nulle autre considération »). Mes gages s’en sont allés au Diable ! Le spectacle, où se mêlent tous les registres, du comique farcesque au sérieux, voire au tragique, est accueilli avec enthousiasme par le public parisien, mais fait l'objet d’une violente attaque dans les semaines qui suivent les représentations. En effet, s’ils jouaient leurs spectacles en italien, Scaramouche et ses camarades les affichaient en français, comme en témoigne le diplomate Christoph Caspar von Blumenthal, envoyé du Grand Électeur de Brandebourg à la cour de France, qui, dans son Journal parisien, rédigé en allemand, donne toujours en français le titre des spectacles italiens auxquels il a assisté au Palais-Royal, alors qu’il donne en espagnol ceux des spectacles joués par la troupe espagnole, au Louvre le plus souvent, pour le public beaucoup plus restreint des invités de la reine Marie-Thérèse. On impute à l'ascendant que le maître a sur le valet les manquements de ce dernier à sa propre morale[116],[117]. À l’endroit où Rochemont, dénombrant les « crimes dont la pièce est remplie », évoque « un pauvre, à qui l'on donne l'aumône à condition de renier Dieu », une note indique en marge : « En la première représentation. Dom Juan veut-il défier le Ciel en invitant le Commandeur ? Depuis sept ans, le public parisien a pu voir trois spectacles portant ce titre : une comédie donnée au cours de l'année 1657 ou au début de la suivante par la Troupe italienne du Roi sur la scène du Petit-Bourbon à Paris, et deux tragicomédies en vers, l'une de Nicolas Drouin, dit Dorimond, chef de la troupe de la Grande Mademoiselle, créée à Lyon en novembre ou décembre 1658, l'autre de Claude Deschamps, dit De Villiers, comédien de la Troupe royale de l'Hôtel de Bourgogne, créée en août 1659. Cependant, lorsqu'ils découvrent le texte en prose de Molière, la plupart des critiques et commentateurs du XIXe siècle, influencés par l'évolution romantique de la légende, soulignent la grande diversité des registres qu'on y trouve. À l’aide, au secours, mon maître est tombé. Le silence qui entoura la pièce après 1665 devait conduire Adrien Baillet à soutenir, dans un long et stimulant article consacré à « M. de Moliere », que Le Festin de Pierre, qui à la date où il écrivait n'avait pas encore été publié, « doit passer pour une pièce supprimée, dont la mémoire ne subsiste plus que par les Observations qu'on a faites contre cette pièce et celle du Tartuffe »[43]. Ne voyez-vous pas bien, dès qu’on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d’en donner à droite et à gauche, partout où l’on se trouve ? Dans ses Observations […] sur le Festin de Pierre, Rochemont dénonce en Sganarelle un personnage « plus impie que son maître », et explique par ce trait l'indignation qu'aurait suscitée la pièce. WorldCat Home About WorldCat Help. Le couple maître et valet au théâtre existait avant Molière, on le trouve déjà dans la comédie espagnole[122] ou italienne[126]. Défenseur timide et maladroit de la morale, il est sensible aux nobles sentiments et à la douleur d'autrui. La dimension culturelle prise par l'histoire de dom Juan, passée au XIXe siècle du statut de légende à celui de mythe, conduit à de nombreuses interprétations parfois contradictoires, concernant le héros du Festin de Pierre. ». Molière ne croit pas à sa statue, Shakespeare croit à son spectre. Il devait du moins attirer le foudre par ce peu de paroles, c'était une nécessité absolue, et la moitié de Paris a douté qu'il le méritât. Il lui brosse, avec quelque forfanterie, un terrifiant portrait de dom Juan en mécréant volage et cynique. Ils mettent en évidence ses contradictions : malgré son refus des règles, il reste attaché aux privilèges et au système de valeurs de son époque[101], brave et lâche, prêt à défendre son honneur et ses amis[102], mais cherchant à faire endosser son habit par Sganarelle[103] ou feignant la conversion[104] pour échapper aux frères d'Elvire, cruel[105] et généreux à la fois, quand il exige du pauvre un blasphème contre une obole pour ensuite la lui donner gratuitement, « pour l'amour de l'humanité ». ». C'est alors que, pour distinguer le texte originel de celui de Thomas Corneille toujours à l'affiche, on en change le titre, qui devient Dom Juan ou le Festin de Pierre. Gaston-Jean-Baptiste de Roquelaure (1615-1683) ne fait pas mystère de son irréligion. A Lire Aussi. Apparaît la statue du Commandeur, qui, incriminant son « endurcissement au péché », lui tend la main et le précipite dans les flammes de l'enfer. ». Louis XIV ayant défendu à Molière de représenter Le Tartuffe en public, le curé Pierre Roullé fait remettre au roi, dans les premiers jours d'août 1664, un opuscule écrit à sa gloire — Le Roy glorieux au monde, ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les Roys du monde —, dans lequel il s’en prend à Molière avec une violence inouïe[k]. Guillaume Fromageau et Adrien Augustin de Bussy de Lamet, René Robert, « Des commentaires de première main sur les chefs-d'œuvre les plus discutés de Molière », suivi en appendice de « Le. Réserver en ligne. Quand le spectacle fera l’objet d’une charge extrêmement violente d'un certain Rochemont (voir plus bas), Molière ne se défendra pas et ses partisans se contenteront de plaider l’innocence et l'« honnêteté », mais non la moralité. Condamnation du libertinage d’un côté, ton comique et surprises de l'autre, le défi semble avoir été réussi. C'est Pierre Louÿs, qui, le premier, a émis l'hypothèse que Molière ne pouvait être l'auteur des pièces publiées sous son nom, et que le véritable auteur était Corneille. Dom Juan s'est déguisé et enfui dans la forêt en compagnie de Sganarelle pour échapper aux ennemis qui le recherchent. Le Dom Juan de Molière est-il un personnage cohérent ? Scene from Don Juan, ou le Festin de Pierre, 1665, (18th century). Elle paraît en 1682. Dom Juan annonce à son père que, touché par la grâce, il a décidé de changer de vie et de travailler « à obtenir du Ciel une pleine rémission [de ses] crimes ». FRANCISQUE. ». Hosted by La FLSH au Théâtre, La péponne and Théâtr'on. Ainsi, pour Jacques Lassalle, la pièce est « l'impitoyable et sarcastique procès de la croyance », et son héros est « dans une sereine et tranquille détermination d'athée, d'impie, de libertin et d'étrange méchanceté »[111]. Il répond en tirant l'épée. Les deluges, la peste et la famine sont les suites que traisne après soy l‘Atheisme, et quand il est question de le punir, le Ciel ramasse tous les fleaux de sa colere pour en rendre le chastiment plus exemplaire[x].           Avec tous ces impies compagnons d'Arlequin, Dans cette optique, les aspects positifs (grand seigneur, libre penseur, fin d'esprit) sont estompés et ce sont les aspects négatifs de dom Juan qui sont mis en valeur : séducteur, infidèle, opportuniste, menteur, orgueilleux, flatteur, méchant homme d'une insolence totale, parfois violent, maniant avec aisance l'ironie et le sarcasme, l'impertinence et l'offense, l'irrévérence et l'irrespect ; et plus particulièrement les trois défauts rédhibitoires : fils indigne[bh], impie et hypocrite. Dom Juan ou le Festin de pierre est une pièce centrale et unique dans l’œuvre de Molière.           Que ses approbateurs le vissent en ce lieu, Plus récemment, François Rey y a vu « une sorte de dédicace » ou « un clin d'œil » au prince de Condé, lui-même grand consommateur de tabac à priser[84], qui soutenait activement le combat de Molière pour faire autoriser son Tartuffe[85]. Sganarelle est un valet de comédie comme il en existe beaucoup dans le théâtre classique, couard et gourmand. Dom Juan est un terrible séducteur, à l'assaut de nouvelles conquêtes amoureuses au prix du désespoir de certaines de ses victimes... Sganarelle est son valet, un peu bouffon, mais aussi fidèle à son maître, qu'il n'aime tout de même pas. Cette pièce nous conte les aventures d’un grand aristocrate espagnol et de son fidèle serviteur, inspiré de la comdia dell arte, Sganarelle. Tel est le cas pour la Bibliothèque française de Charles Sorel[55]. Les premiers éditeurs parisiens de la pièce lui ont donné en 1682 le titre Dom Juan ou le Festin de Pierre, sous lequel elle est connue depuis lors. La pièce de Villiers est créée durant l'été 1659, dans un Paris que la Cour a déserté depuis deux mois, partie à Saint-Jean-de-Luz célébrer les noces de Louis XIV et de sa cousine Marie-Thérèse. Un serviteur entre, qui l'informe que douze hommes à cheval sont à sa recherche. Dom Juan ordonne à Sganarelle de le convier à dîner. Écrite en prose, déclinant les genres - de la farce à la tragicomédie -, au gré des actes, sans respecter les unités de temps, de lieu et d'action, cette comédie peu banale se termine par la mort d'un héros équivoque. Dom Juan ou le Festin de Pierre téléfilm (1965) de Marcel Bluwal Michel Piccoli : dom Juan Claude Brasseur : Sganarelle Josée Steiner : Charlotte… Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes, El Burlador de Sevilla y convidado de piedra, El Burlador de Sevilla y combidado de piedra, Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre, Observations sur une comédie de Molière intitulée le Festin de Pierre, Observations sur une Comédie de Moliere intitulée Le Festin de Pierre, Marie-Catherine Desjardins, dite de Villedieu, Mises en scène de Dom Juan ou le Festin de pierre, Pour la punition des jureurs et blasphémateurs, «De la fumée contre l'asthme, histoire d'un paradoxe pharmaceutique», Le Don Juan de Molière au Théâtre-français, Comment le regard de l’homme a évolué face aux grandes épidémies, La compagnie secrète du saint sacrement d’après des documents nouveaux, Le Dom Juan de Molière, un personnage entre deux mondes. ça n'est pas bian de battre les gens ! ». Quoi qu'il en soit, les éditeurs parisiens de Molière jugent prudent, en 1682, de rehausser la dernière réplique de Sganarelle d'un « codicille » édifiant : « Après tant d'années de service, [je] n'ai point d'autre récompense que de voir à mes yeux l'impiété de mon maître, punie par le plus épouvantable châtiment »[155]. In 1765 he choreographed the ballet Sémiramis to music by Gluck and in 1762 staged the ballet sequences… » D'autre part, la formule « grand seigneur méchant homme » apparaît comme un oxymore bien venu, puisque par « nature » un grand seigneur est ou se doit d'être un « gentil-homme », contrairement au « bourgeois », qui, à vouloir jouer les gentilshommes, ne saurait que se rendre ridicule. Son personnage va pouvoir prendre son envol jusqu'à devenir un mythe, notamment grâce au Don Giovanni de Mozart (1787). Donneau de Visé lui répond que « Sganarelle a le fond de la conscience bon, et s'il ne s'explique pas tout à fait bien, les gens de sa sorte peuvent rarement faire davantage[120] ». Le texte sera imprimée en avril 1670, avec un avis au lecteur dans lequel Rosimond fait très librement l'éloge de son célèbre confrère : « Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on t'a présenté ce sujet. On a récemment fait observer que si Molière, qui souhaitait répliquer aux détracteurs de son Tartuffe et le faire devant le plus large auditoire possible, a songé à utiliser cette légende « édifiante », dont ses camarades Italiens (qui jouaient quatre jours par semaine dans la même salle du Palais-Royal) reprenaient leur version presque chaque année à l'occasion du carnaval, c'est que plusieurs d’entre eux (dont Tiberio Fiorilli, dit Scaramouche, et sa femme) étaient partis à l'été 1664 en Italie, et que la voie était libre au Palais-Royal pour un nouveau Festin de Pierre français[11]. ». Du point de vue des querelles, il y a donc bien une dimension religieuse en débat[44]. Comme l'indique le sous-titre que la pièce portait à sa création — l'Athée foudroyé —, l'athéisme de dom Juan est une donnée de l'œuvre non moins essentielle que le foudroiement final[106].