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Christelle Ripault CNAM - Chaire de DSO - 1999/2000
Jeremy RIFKIN :"La Fin du Travail"
Biographie
Jeremy RIFKIN est un économiste américain, né en 1945. Il est actuellement président de la "Foundation on Economics Trends", à Washington D.C. ; cette fondation étudie les problèmes environnementaux, sociaux, économiques et éthiques liés à la révolution biotechnologique.
Il collabore à ce titre avec plus de quarante mille entreprises, compagnies et sociétés de la planète. Il a publié, outre de nombreux articles, une quinzaine d’ouvrages, dont The End of Work : The Decline of the Global Labor Force and the Dawn of the Post-Market Era, traduit par Pierre Rouve en français sous le titre La fin du travail.
La question posée par l’auteur
Comment faire face à la disparition inéluctable de l’emploi, angoissante à l’échelle planétaire, et source de la barbarie montante ?
Ses postulats
Il existe une relation inversement proportionnelle entre l’évolution de la productivité d’une économie et celle de ses emplois. Les emplois sont condamnés à disparaître en grande partie : nous entrons dans l’âge de l’informatisation, qui ne pourra jamais absorber les millions de travailleurs qu’employaient l’agriculture, puis l’industrie, puis le tertiaire.
Ses hypothèses
Il faut revoir le contrat social, trouver une autre manière de redistribuer les richesses et partager au mieux les gains de l’énorme productivité actuelle et à venir.
La société civile doit exercer des pressions. Créatrice de "capital social", elle doit se donner suffisamment de force pour devenir un secteur créateur d’emplois capable d’obtenir de l’économie et de l’Etat sa part de redistribution de richesses.
Sa démonstration
Rifkin procède inductivement, par accumulation d’exemples historiques et d’informations chiffrées. Son livre est découpé en cinq parties :
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La première, "Les deux visages de la technologie", traite de l’après Seconde Guerre Mondiale, et dresse un premier bilan des dégagements de main-d’œuvre induits par l’automatisation. L’auteur présente les deux visions qui s’opposent quant au progrès technique.
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Jeremy Rifkin montre ensuite les implications de "La troisième révolution industrielle", causée par l’évolution actuelle de la technologie. Il s’appuie sur l’expérience des travailleurs afro-américains et du syndicalisme aux États-Unis.
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Dans "Le déclin mondial du travail", il explore en profondeur les changements technologiques et organisationnels qui s’installent dans l’agriculture, l’industrie et les services.
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Il nous expose ensuite "Le prix du progrès", qui lui apparaît comme la séparation de la population mondiale en deux forces irréconciliables, d’un côté les faibles broyés par le progrès, de l’autre une élite de manipulateurs d’abstraction ; et la montée de l’angoisse et la violence qui en résultent.
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Dans "L’aube de l’ère post-marchande", il présente l’extension massive des activités non marchandes, ou économie sociale, tiers secteur, ou encore activités solidaires, comme étant la seule alternative possible à une société de pauvreté généralisée et de violence sociale omniprésente.
Résumé
Victimes de la révolution technologique, plus de 800 millions d’êtres humains sont actuellement sans emploi ou sous-employés.
Des catégories entières d’emploi ont disparu et le chômage va vraisemblablement grimper en flèche : les machines remplacent rapidement le travail humain et annoncent une économie de production quasi automatisée d’ici au milieu du XXIème siècle.
Les innovations technologiques et l’économisme nous poussent à l’orée d’un monde presque sans travailleurs.
Les trois secteurs traditionnels de l’économie subissent des mutations technologiques qui envoient des millions de personnes au chômage.
Le secteur du savoir est le seul à émerger; composé d’une élite d’innovateurs industriels, de scientifiques, de techniciens, d’informaticiens, d’enseignants et de consultants, il n’absorbera pas les centaines de millions d’individus balayés par le déclin mondial du travail, préparé par les immenses changements technologiques s’installant dans l’agriculture, l’industrie et les services.
Le progrès a un prix, les technologies de l’information et de la communication séparent en deux la population mondiale : d’une part l’élite des manipulateurs d’abstraction, d’autre part la masse croissante de travailleurs constamment ballottés et précarisés.
Le désespoir pousse un nombre croissant d’êtres humains à la délinquance, et cette menace amène les pouvoirs publics à s’interroger sur les moyens de maintenir l’ordre et assurer la sécurité, tant aux États-Unis que dans d’autres pays.
La troisième révolution industrielle sera-t-elle vecteur de bien ou de mal ?
Les nouvelles technologies vont-elles libérer ou déstabiliser la civilisation ?
Selon la façon dont chaque pays abordera la question des progrès de la productivité, elles pousseront nos pas vers une vie de loisirs plus développés, ou déboucheront sur une crise planétaire. Leur utilisation et leurs répercussions sur la manière d’envisager le travail humain nous forcent, de toutes façons, à sonder de nouvelles pistes pour définir la valeur humaine et les relations sociales, comme le développement du tiers secteur.
Les deux visages de la technologie
La fin du travail
La logique du marché pousse l’entreprise à sa restructuration interne, qui signifie une baisse du personnel. Le reengineering consiste en une organisation plus souple de l’entreprise, notamment grâce à un aplanissement des hiérarchies. Ces décisions accélèrent la production mais suppriment un nombre considérable d’emplois, en particulier ceux des cadres moyens, qui seront 80% à avoir perdu leur emploi à la fin de ce phénomène.
L’ "effet de percolation" et les réalités du marché
Selon l’application sociale de la théorie de la percolation, les progrès de la technologie finissent toujours par "filtrer" jusqu’au travailleur, avec des répercussions stimulantes sur l’emploi.
Marx s’opposa farouchement à cette idée en pronostiquant que le remplacement des travailleurs par des machines déboucherait au contraire sur une baisse du pouvoir d’achat et la création d’une "armée de réserve" de sans-emploi.
Dans les années vingt, l’adoption de méthodes de production modernes a provoqué de nombreux licenciements et provoqué une surproduction et une pénurie d’acheteurs ; pour y faire face, les entrepreneurs ont choisi de faire de la consommation une vertu.
Cet évangile de la consommation de masse, utilisant la place sociale de l’individu pour créer un sentiment de besoin par identification, se révéla une méthode dangereuse : surgirent les conflits de classes au fur et à mesure que la situation de l’emploi s’aggravait.
La moitié des chômeurs des années 30 ont perdu leur emploi à cause de la hausse de productivité.
Le rêve d’un paradis technologique
Pendant plus d’un siècle, des auteurs et des scientifiques rêvèrent d’un monde futur où les machines remplaceraient le travail humain. Ils dépeignirent ce monde comme un paradis dans lequel les machines travaillent et l’homme est libre de s’adonner à une vie de loisirs.
De grandes expositions internationales stimulèrent le désir de progrès technologique, notamment pendant la crise des années 30. Tous ces utopistes technologiques partagèrent le culte de l’efficacité.
Les principes de "management scientifique" prônés par Taylor devinrent la référence obligée en matière d’organisation du travail. La manie de l’efficacité devint une réelle croisade. Elle atteignit tous les secteurs de la vie de l’Amérique, remodelant la société selon les critères chronométriques astreignants de la culture machinique et industrielle : entreprises, mais aussi administrations, services municipaux, système éducatif, vie quotidienne.
L’électricité, puis le télégraphe et le téléphone, la batterie électrique, le cinéma, la radio firent caractériser le dernier quart du XIXe siècle d’" âge mécanique ".
L’ingénieur, équipé des outils de l’efficacité, devint le nouveau héros. L’Amérique devint de plus en plus urbaine et industrialisée.
Un mouvement de réformateurs, les Technocrates, manifestaient le plus grand dédain pour la démocratie et le suffrage populaire, leur préférant le "pouvoir de la science", intégrant ainsi l’utopie technologique dans le processus politique.
Son succès fût de courte durée, malgré les visions prometteuses de lendemains meilleurs où la technocratie permettrait de bannir le gaspillage, le chômage, la faim et l’insécurité.
L’ascension d’Hitler, puis les dégâts des bombes atomiques au Japon, permirent au peuple américain de comprendre que la technologie moderne permettait de détruire aussi bien que de créer l’avenir.
Malgré d’autres déceptions, comme la destruction de Challenger et de son équipage, ou l’explosion de Tchernobyl, l’utopie technologique reste réelle et attirante.
L’ère de l’information high-tech, à nos portes, amènera-t-elle la réalisation de cette utopie du remplacement du travail humain par les machines ?
La troisième révolution industrielle
Par-delà les technologies de pointe
La mutation des paradigmes économiques est marquée par le passage des sources d’énergies renouvelables à celles qui ne le sont pas, et des sources d’énergie biologiques à celles de l’énergie mécanique.
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La première révolution industrielle a été marquée par l’avènement du charbon et l’utilisation des machines à vapeur.
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La deuxième révolution industrielle fût causée par la découverte du pétrole et de l’électricité.
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La troisième révolution industrielle s’accompagne de "machines pensantes", robots à commandes numériques, ordinateurs, logiciels ultrasophistiqués.
La plupart des chercheurs informaticiens sont même certains que l’intelligence artificielle, "art de créer des machines capables de s’acquitter de fonctions demandant de l’intelligence lorsqu’elles sont effectuées par des êtres humains", sera capable bientôt de mieux penser que l’esprit humain moyen.
Ce rêve de créer un substitut mécanique aux êtres humains remonte à l’antiquité. En témoignent au fil des âges nombre d’automates capables de toutes sortes de prouesses.
La première machine à calculer automatique, inventée par Pascal, remonte à 1642.
La durée de mise en forme des résultats de recensements du bureau américain fut réduite de deux tiers grâce à la machine de Hollerith, en 1890; ainsi naquit IBM. Virent le jour dans les années 50 d’énormes calculateurs numériques. Et depuis 1970, le micro-ordinateur envahit la vie quotidienne de tous les pays industrialisés.
L’industrie des années 50 restructurait radicalement ses activités afin d’automatiser autant que possible les processus de fabrication.
L’ordinateur programmable permettait d’envisager une " usine automatique ", sans travailleurs. Ce thème déclencha une offensive massive des syndicats. Les États-Unis connurent 43000 grèves entre 1945 et 1955.
Pour se débarrasser des travailleurs rebelles autant que pour augmenter sa productivité et ses bénéfices, l’industrie américaine se tourna vers les nouvelles technologies de l’automatisation.
Ainsi les "machines pensantes" firent perdre leur travail à plus de 1,5 millions d’ouvriers aux États-Unis dans les six ans qui suivirent.
À peine entrevue lors de la création du département "automation" chez Ford en 1947, la commande numérique a grandement amélioré les rendements et la productivité, tout en diminuant simultanément les besoins de travail humain dans l’atelier.
Les directeurs d’entreprise se réjouirent de pouvoir contrôler la production en gérant des machines plutôt qu’en encadrant des hommes, et de marquer leur "émancipation vis-à-vis des travailleurs humains".
La technologie et l’expérience des noirs américains
Les progrès de l’automatisation eurent des effets croissants sur les personnes et les collectivités humaines, les premières victimes furent les Noirs américains.
La communauté noire américaine, d’abord maintenue malhonnêtement en esclavage par ses maîtres pour servir à la culture du coton dans le Sud, a assisté impuissante à son remplacement par les machines à cueillir le coton. Cinq millions de travailleurs migrèrent vers le Nord à la recherche d’emplois.
Mais les Noirs ont été utilisés pour accomplir des tâches, dans les fonderies et les usines, que les machines ont pu prendre en charge quelques années plus tard.
A nouveau victimes de la mécanisation, des millions d’entre eux se retrouvent aujourd’hui superflus, prisonniers d’un sous-prolétariat urbain, voués au chômage permanent et à une vie précaire d’assistés.
Le grand débat sur l’automatisation
En 1963, le débat sur l’automatisation aboutit à la création d’une commission nationale, dont les conclusions furent tempérées quant aux effets destructeurs de la nouvelle révolution technologique sur l’emploi.
Les syndicats ouvriers pensaient à juste titre que l’automatisation allait réduire les rangs des travailleurs, et revendiquèrent principalement le recyclage de ceux-ci.
Mais les nouveaux emplois de pointe offerts par les nouvelles technologies furent bien rares par rapport à la masse de travailleurs chassés par l’automatisation: il eût été préférable de se concentrer sur les questions du contrôle technologique.
Acculés et trop conciliants, les syndicats perdirent peu à peu leur influence et capitulèrent sous les coups répétés de l’innovation technologique. Ils ne sont d’ailleurs aujourd’hui que le pâle reflet de la puissance économique qu’ils ont jadis été aux États-Unis.
30 ans après, les nouvelles technologies informatiques et télématiques poussent les entreprises à restructurer leur organisation, leurs modes de gestion et de communication.
Nous sommes aujourd’hui dangereusement proches d’une dépression majeure, même si les grands responsables de ce monde ne semblent pas disposés à envisager l’étranglement inexorable du marché du travail et ses conséquences gravissimes pour notre civilisation.
Le postfordisme
L’économie mondiale entre dans l’ère postfordiste et pose les fondements organisationnels d’un avenir sans travailleurs.
L’utilisation de l’informatique offre un taux de retour sur investissement de 54% dans l’industrie, en contribuant non seulement à l’augmentation de la productivité, mais aussi aux licenciements massifs et à la diminution de la taille des entreprises.
Les entreprises automobiles sont passées de l’artisanat à la production de masse, en adoptant des méthodes radicalement différentes aux USA et au Japon.
Aux États-Unis, Ford a appliqué le taylorisme et un système de gestion hiérarchisé.
Ce modèle américain s’avère inadapté aux nouvelles technologies de la révolution informatique. Toyota, au Japon, pratique la production à "flux tendus", et insuffle une démarche d’amélioration permanente en encourageant le travail en équipe : c’est l’ingénierie simultanée. Les différences fondamentales de philosophie de la production américaine et japonaise sont mises en évidence par les résultats respectifs des sociétés Général Motors et Toyota.
La gestion à flux tendus, insistant plus sur le "processus" que sur la "structure" et la "fonction", place les fabricants japonais en tête pour tirer profit des nouvelles technologies de la productique.
Aujourd’hui les sociétés américaines et européennes transforment leurs structures organisationnelles pour y intégrer les nouvelles technologies de l’information. Celles-ci ont augmenté le volume et accéléré le flux des activités, à tous les niveaux de la société.
Le traitement horizontal plutôt que vertical de l’information fait s’effondrer la pyramide traditionnelle de l’entreprise au profit de réseaux fonctionnant sur un même plan, ce qui élimine de plus en plus de cadres moyens.
Le reengineering permet des gains spectaculaires de productivité, notamment dans le commerce de détail, les outils télématiques permettant de traiter directement et instantanément avec entrepôts et fournisseurs pour que les stocks des entreprises soient tendus au plus près des besoins du consommateur.
Tout ceci avec de moins en moins de personnel aux commandes, les niveaux d’encadrement intermédiaires étant ici les plus touchés.
Le déclin mondial du travail
Un monde sans paysans
L’agriculture a été métamorphosée par le progrès technique depuis l’apparition des premières machines agricoles.
L’utilisation des outils intelligents de plantation et de cueillette, des produits chimiques, des systèmes informatiques d’exploitation de la terre, les manipulations génétiques et l’utilisation d’hormones ont changé le sens du métier d’agriculteur. La multiplication des cultures tissulaires provoquera sans doute la disparition complète des agriculteurs.
Les cols bleus au vestiaire
L’industrie a souffert la première de l’automatisation.
Le secteur de l’automobile, le Japon montrant la voie aux États-Unis, reconfigure à grande vitesse ses activités et investit dans les nouvelles technologies de l’information destructrices d’emploi.
Le secteur de la sidérurgie s’automatise également fortement, réduisant considérablement ses besoins en main-d’œuvre.
Puis les secteurs du caoutchouc, de la houille, de la chimie, de l’électronique, de l’électroménager, du textile ont été touchés par la recherche de méthodes modernes qui provoquent la perte de millions d’emplois d’ouvriers.
Le dernier travailleur du tertiaire
Le secteur des services n’est pas épargné, en témoignent les réductions de personnel continuellement annoncées par les banques, les assurances, les communications.
Les méthodes informatisées de traitement des dossiers rendent inutiles nombre d’employés. L’apparition du télétravail métamorphose le travail au bureau.
Les nouvelles méthodes de stockages nécessitent moins de transports et d’entrepôts, d’où une baisse des effectifs de ces deux secteurs.
Le tertiaire ne pourra pas absorber la perte d’emploi due aux bouleversements dans l’industrie; les PME ne sont plus une solution; le secteur public décline; la restauration ne pourra pas équilibrer les mouvements du secteur des services.
Le recyclage, solution proposée comme excuse aux réductions de personnel, ne fonctionne en réalité que pour un cinquième des chômeurs.
Le prix du progrès
Les gagnants et les perdants du grand jeu high-tech
Dans les 20 dernières années, les premières victimes de l’automatisation et de la mondialisation de l’économie, furent les employés américains peu qualifiés, chassés par millions des usines.
Beaucoup ne sont pas parvenus pour la plupart à retrouver un emploi, à s’offrir un toit, et ont sombré de ce fait dans le désespoir, et souvent la délinquance. La baisse généralisée du pouvoir d’achat a augmenté considérablement le nombre de pauvres.
La population active est en reflux dans la plupart des secteurs.
Actionnaires et patrons se sont quant à eux enrichis grâce aux gains de productivité induits par les restructurations. La vague de reengineering a provoqué ensuite le déclin de la classe moyenne, dont le nombre d’emplois, les salaires, ainsi que la protection sociale ont chuté de manière critique.
Les manipulateurs d’abstraction, nouvelle élite de travailleurs du savoir, parviennent seuls à augmenter leurs revenus grâce à la nouvelle économie mondiale high-tech.
Le fossé entre riches et pauvres se creuse, et les tensions toujours plus fortes pourraient aboutir à une révolution sociale.
Requiem pour la classe ouvrière
L’humain n’est pas en mesure de suivre le rythme imposé par la machine et la cybernétique, et souffre de la prise en charge de son propre emploi par la machine.
La perte de son emploi est donc pour lui, au-delà des difficultés matérielles, une perte d’identité dangereuse.
Le chômeur se sent inévitablement inutile, il est désœuvré et peut tomber dans la violence. Les nouvelles méthodes de production, plus stressantes, mettant en œuvre des pratiques d’émulation pesantes, provoquent de nombreuses maladies professionnelles.
Le destin des nations
Le monde entier souffre d’une aggravation alarmante du chômage. Au Japon, aux États-Unis, en Europe, l’accroissement de la productivité, le reengineering, le recours aux travailleurs occasionnels, la baisse des emplois dans la fonction publique rendent l’emploi de plus en plus précaire.
Les pays en voie de développement automatisent également leur processus de production, principalement par souci de qualité, ce qui augmente de façon inquiétante le nombre de sans-emploi.
Un monde plus dangereux
Les chiffres mettent en évidence le lien entre criminalité et chômage. Partout où le chômage s’aggrave, il faut faire face à une criminalité plus grande. Une partie de la population en est à se barricader dans des résidences-forteresses. Ce problème est mondial. Partout on constate une augmentation de la délinquance, les prisons se remplissent, les mouvements d’extrême-droite progressent.
Nous entrons dans l’ère des conflits de faible intensité, où l’ennemi reste à définir.
L’aube de l’ère post-marchande
Repenser la semaine de travail
Le mouvement pour la réduction du temps de travail est historique. Il est arrivé qu’une loi des trente heures soit débattue et votée (La loi Black).
L’évolution est progressive, et de 80 à 60 heures, puis de 60 à 40 heures, nous devons maintenant nous diriger vers les 30 voire les 20 heures.
Il existe plusieurs moyens d’aboutir à une réduction du temps de travail, mais celle-ci ne fonctionnera que si le changement se fait conjointement entre tous les pays.
Cette condition peut cependant être remplacée par l’instauration de tarifs douaniers ciblés contre ceux qui ne pratiquent pas cette politique. Cette stratégie doit s’accompagner de mesures conjoncturelles contre le chômage.
Un nouveau contrat social
Les secteurs publics et marchands ne sont plus en mesure d’assurer certains des besoins fondamentaux des populations ; il est nécessaire d’établir un nouveau contrat social qui s’appuie sur le développement du secteur non-marchand, ou tiers secteur, porteur de nouvelles valeurs d’entraide et de solidarité.
Renforcer le tiers secteur
Une économie non marchande, qui intégrerait un capital social en plus des capitaux de l’Etat, serait une solution.
Ce tiers secteur, domaine qui comblera le vide provoqué par la suppression d’emplois, est celui de la vie associative, qui tisse le lien communautaire : l’entraide, l’enseignement, la recherche, l’art, la religion, entre autres.
Tocqueville, dès 1831, avait été impressionné par cette expression culturelle qui se révèle cruciale pour l’épanouissement de l’esprit démocratique.
Ce tiers secteur, rassemblant des bénévoles efficaces, peut jouer dans la société le rôle de médiateur entre secteur public et secteur privé. On assistera inévitablement à une baisse du rôle de l’Etat.
Le tiers secteur permettra de créer un peuple américain cohérent, sera un antidote contre les méfaits du matérialisme sur l’environnement, et offrira une foule de services primordiaux, grâce au dévouement des bénévoles. Milton Friedman proposa un judicieux impôt négatif sur le revenu.
Mondialiser l’économie sociale
Le tiers secteur n’est pas une solution économique de l’avenir : il est aussi l’espoir de la démocratie dans le monde. En témoigne, dans l’Est ou dans les pays en voie de développement, l’importance des ONG. Ce secteur progresse dans toutes les régions de la planète. D’après La Fin du Travail De Jeremy Rifkin
Actualité de la question
Ce livre de Jeremy Rifkin, best-seller mondial, a suscité de nombreuses discussions et critiques, tant aux États-Unis que de ce côté-ci de l’Atlantique. Le thème a été repris dans de nombreux livres récents :
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La crise du travail, de Jaques Bidet et Jacques Texier
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Le travail dans vingt ans, de Jean Boissonnat
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When Corporations Rule the World , de David Korten
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Les métamorphoses de la question sociale, de Robert Castel
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Le travail en voie de disparition, de Dominique Méda
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L’horreur économique, de Viviane Forrester
Jeremy Rifkin n’a pas fait qu’écrire cet ouvrage. Activiste anti manipulation génétique depuis les années soixante, ce quinquagénaire est connu du grand public américain depuis sa participation à l’invasion de la National Accademy of Sciences en 1980 pour scander "Nous ne serons pas clonés" lors d’un meeting sur le génie génétique, juste 20 ans avant l’annonce de la naissance de Dolly. Il a utilisé tout l’arsenal des contestataires de sa génération : poursuites en justice, boycotts, occupations de locaux par des commandos activistes, citations après petites phrases dans les média, et, bien sûr, publication de 13 livres dont le très connu Siècle Biotech. Ses principales cibles vont des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) aux brevets posés sur le génome humain en passant par les armes biologiques.
Avec de telles attitudes, Jeremy Rifkin s’est taillé une image qui fait frémir les biologistes, les industriels et les législateurs outre Atlantique. Le patron du National Milk Producers Federation (fédération nationale des producteurs de lait) l’appelle "le terroriste de la nourriture" à cause de son travail sur une hormone déclenchant la lactation; il est appelé le "fondamentaliste biologique" par David Baltimore, biologiste et prix Nobel, et un titre du Time magazine en faisait "l’Homme le Plus Haï de la Science". Pour n’en citer que quelques-uns.
La fin du travail représente une variation dans ses thèmes de prédilection, mais non des moindres. Les événements récents, en particulier l’agitation antimondialiste autour des derniers symposiums du FMI ou de l’OMC, montrent d’une part la mondialisation de la contestation et d’autre part le lien entre contestation de la globalisation et argumentation bioéthique.
En France, la mise en place des 35 heures, les emplois jeunes qui servent une forme de tiers secteur, la loi contre l’exclusion, semblent être autant de mesures répondant aux suggestions de Rifkin. On a ainsi pu voir 40 000 protestataires du monde entier à Millau pour le procès de José Bové, ce berger jugé et condamné pour avoir mis à sac un McDonald en représailles à l’augmentation des taxes sur les produits du terroir Français, elle-même en réponse à l’interdiction Européenne du bœuf aux hormones américain. On retrouve là les thèmes chers à Benjamin Barber, développés dans son best-seller mondial « Jihad versus McWorld », ouvrage dans lequel il décrivait l’antagonisme entre expansion écrasante de la culture américaine et foyers de résistance des cultures locales sous tous leurs aspects.
L’analyse de la situation actuelle dans la fin du travail semble bien correspondre à la réalité observée, tant avant que depuis la parution de l’ouvrage. Les reprises des économies américaine puis européenne depuis 1995 s’appuient effectivement sérieusement sur les valeurs technologiques, on a ainsi vu le NASDAQ prendre de l’importance et les startups éclore. Les fluctuations actuelles ne semblent pas remettre en question l’importance croissante des "manipulateurs d’abstraction" dans la nouvelle économie. L’apparition d’une "ère post-marchande" annoncée par Rifkin peut par contre ne pas satisfaire le lecteur : ce serait s’adapter au fait accompli de la mondialisation et de ses effets sans chercher à en réguler la montée. On ne voit par ailleurs pas se détacher de mécanisme économique précis dans la solution appelée par l’auteur.
Dans « When Corporations Rule the World » (également daté de 1995, Kumarian Press), David Korten approche les même problèmes et les replace dans leur contexte politique et historique. Son approche précise et rigoureuse ainsi que la crédibilité dont il jouit de par son cursus font de son ouvrage une référence pour qui veut comprendre les mécanismes et les enjeux.
Seule manque la solution miracle qu’il nous appartient de trouver.
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Sortir de l’impasse : pour un autre regard sur ces voies sans issue
(Publié sur URBANEWS)
C’est un mot forcément connoté, qui fait bondir les urbanistes et donne de l’eczéma aux tenants de la ville passante. L’impasse est une connerie monumentale vous diront certains. Un morceau d’enrobé ou de terre c’est selon, que l’on ne cesse de décrier en contre-exemple de la ville durable. Pourtant l’impasse, lorsqu’elle n’est pas systématisée à un ensemble urbain qu’elle tend à transformer en enclave, mérite semble-t-il que l’on s’y arrête…
L’impasse ce n’est pas la ville
L’impasse serait un non-sens urbain, une hérésie produite par la ville privatisée. Le royaume de l’entre soi. Pour les partisans du concept de la « ville passante », l’impasse ne mène pas à la « cité », pire, elle en est un obstacle majeur. Cette posture de rejet, sinon d’évitement, a précipité la chose dans l’exclusion et la dénonciation automatique. Comme on a longtemps laissé de côté ces produits de ce que les urbanistes considéraient et considèrent toujours parfois, comme n’étant pas de la ville, on a abandonné ces voies sans issue physiques à leur sort en cul-de-sac.
Héritages d’une sédimentation d’époques où elles desservaient, au hasard des limites foncières, quartiers ouvriers, collectifs ou maisons particulières en cœur d’îlot et projets de « castors », les voies sans issue, entrées depuis l’essor du taux de motorisation, dans une logique unique de déplacement automobile, sont devenues des objets d’opposition acharnée, accusés de favoriser relégations sociales et spatiales, jusqu’à créer des enclaves dans leurs pires extensions.
Rarement étudiées (pour elles-mêmes), mais presque systématiquement remises en causes et rayées à l’heure où l’on exige des villes qu’elles se conforment aux préceptes du développement durable, ces voies disposent pourtant en germe, d’une formidable capacité inexplorée à créer de la ville et du lien social…
De l’impasse à la ville
A force de voir l’impasse comme une figure symptomatique du lotissement en raquette, on aurait tendance à oublier qu’il puisse subsister quelques formes que ce soit d’urbanités en elle. Pourtant, l’impasse est dans de nombreux contextes, un lieu où s’expriment les sociabilisations de voisinage : fêtes de quartier ou d’immeubles, repas improvisés ou activités partagées… l’impasse, parce qu’elle marque le pas sur la ville et sur le « tout public » constitue un espace privilégié de rencontres.
Dans le monde arabo-musulman, notamment au sein des métropoles de l’arc méditerranéen, l’impasse (derb), devient un élément incontournable de la structuration à la fois spatiale, mais aussi sociale de la ville historique, celle de la médina. Longuement étudiée (notamment par E. Wirth (1997)), cette ordonnance atypique de l’espace, a tendance à accentuer le caractère « privé » de la ville islamique et à générer de forts rapprochements de voisinage (famille, parenté, amis, etc.).
Mais ce qui est particulièrement vrai pour la ville arabo-musulmane, l’est aussi pour certaines formes urbaines héritées de l’industrialisation de la ville occidentale. Dans les anciennes régions minières, et les territoires marqués par l’histoire ouvrière, les cités du 19ème et du début du 20ème siècle ont produit des formes particulières de voies. A mi-chemin entre l’impasse et la cour privative, la « courée » est longtemps restée un lieu de la ville hybride entre statut public (pour certaines) et usages privés.
A Lille et sur certaines communes du territoire de la Métropole (Moulins, Fives, etc.) les politiques d’aménagement ont récemment (2006) pris en charge la réhabilitation de ces lieux pour beaucoup délaissés et qui finissaient par ne plus jouer leur rôle d’inclusion sociale, ou simplement, de lieu de vie…
Aborder l’impasse sous un autre jour
En milieu urbain, dans les tissus de centres villes et sur certains quartiers de faubourgs, l’image de l’impasse est en train de changer. Coupe-gorges hier, certaines d’entre elles ont aujourd’hui amorcé un changement sensible de nature sous l’impulsion de collectifs, d’associations ou d’initiatives de voisinage.
A Paris, là où les espaces extérieurs comme extension du logement ou de l’immeuble se font rares, l’impasse est parfois devenue le prétexte à créer des lieux pas tout à fait l’image de l’espace public, pas tout à fait à celle du « jardin ». Comme dans le cas des courées lilloises, sortes de palliatifs extérieurs à l’exiguïté des logements ouvriers, les impasses situées en « milieu dense » revêtent de plus en plus la forme de « cours » semi privatives au sein desquelles s’expérimentent des projets communautaires et se développent de nouvelles formes d’activités extra-résidentielles : jardins partagés ludiques et pédagogiques (ECOBOX impasse de la Chapelle), activités de quartiers ou de voisinage, etc.
Le jardin ECOBOX, association emmenée par le collectif AAA, est situé au bout de l’Impasse de la Chapelle, station de métro Marx Dormoy. Crédits Photos : ECOBOX
Et dans le périurbain ?
Plus que tout autre territoire de la ville, le périurbain reste celui au sein duquel les impasses demeurent les plus décriées parce qu’elles n’obéissent dans ce cadre, qu’à des logiques individuelles et tendent à accroître les coûts de la collectivité (services d’assainissement, réseaux, etc.).
Aujourd’hui, très peu de travaux portent sur ces segments de la ville périurbaine alors que leur nombre ne cesse de croître et qu’ils représentent sur certains quartiers, la typologie routière la plus marquante d’un réseau de voirie. Si le caractère (social, morphologique) des impasses situées en lotissements pavillonnaires marque de très loin l’écart avec ses cousines des faubourgs du 19ème et du début du 20ème siècle, elles n’en restent pas moins des espaces de sociabilisation latente, sur lesquels les réflexions en matière de prospective périurbaine mériteraient de se porter.
Où en seront les impasses de nos sociétés périurbaines dans 20 ou 30 ans ? Aurons-nous d’ici là, tenté de les exclure de nos vies urbaines ? Se seront-elles sinon, exclues d’elles-mêmes ?
Sortir de l’impasse
Et si, plutôt que de voir les impasses périurbaines comme autant d’oppositions physiques à la construction de la ville durable, nous prenions simplement acte de leur existence, pour agir sur leurs « qualités » et modifier leur destin ? Intervenir, plutôt que laisser faire ?
La démarche BIMBY (Build In My BackYard), propose d’agir sur la densification des milieux pavillonnaires, et pose la première pierre d’une forme d’interventionnisme longtemps écartée de ces territoires de la ville, laissés à la discrétion des individualismes.
On imagine très bien, dès lors que l’on réduit la taille des parcelles en conséquence d’une densification, la possibilité de faire des impasses périurbaines, de nouveaux supports partagés de ce qui aura pu être « rogné » à l’échelle de l’individu.
Dans un tel contexte qui verrait le pavillonnaire muter progressivement vers plus de densités, et les collectivités monter en charge sur la question, l’impasse aurait sans doute d’avantage de pertinence à ne plus subsister uniquement en tant que voie de desserte, mais également, à abriter et à mutualiser des fonctions de voisinage, comme le stationnement ou les espaces partagés de jardins ou de détente… Un glissement des usages, de la propriété vers le partage, qui ne va pas évidemment, sans se confronter à quelques limites, et parmi elles, celles que supposent les « tolérances de voisinage » semblent les plus difficiles à dépasser…
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La BONNE VILLE
RENCONTRE ET SECURITE
Aristote est, le premier, celui qui a su définir la ville. "La ville doit être construite de manière à apporter à ses habitants, la rencontre et la sécurité". Cette affirmation simple et percutante reste totalement vraie au XXIème siècle : Toute ville a besoin de lieux de rencontre agréables, bien vécus, appropriés par la population qui donnent envie au plus grand nombre de se retrouver en groupe ou individuellement. Mais ajoutez-y de l’insécurité - dans toutes ses variantes : sécurité des personnes, bruit, peurs - et plus rien ne fonctionne. Construisez une ville ou un quartier très sûr mais sans lieux de rencontres, ce ne sera pas de la ville mais tout au plus un repli collectif sur soi. Le nom des lotissements qui se sont créés récemment autour d’Arras en témoigne : Le clos des charmes, le clos de l’abbaye, le clos du buqueux …. A quand le retour des fortifications ? Ces noms ne cachent-ils pas de manière criante l’envie de calme et de ressourcement que la ville ne semble pas apporter ?
LE SOCIAL, LE SPATIAL ET LE RÉGLEMENTAIRE
Autre phrase fondatrice et clairvoyante en ce début de propos : celle de Saint Augustin qui affirme que « la ville c’est des pierres et des hommes ». Du spatial et du social donc. L'urbanisme est une science pluridisciplinaire, une sorte de synthèse réunissant dans une même préoccupation le social, le spatial et le règlementaire et obligeant à manier l’art et les techniques de l'aménagement dans l'intelligence et la compréhension du développement de notre société.
Ne pas s'en préoccuper, ne pas le comprendre serait lourd de conséquences pour les citoyens et leurs modes de vie.
L’URBANISME : UNE PRÉOCCUPATION ESSENTIELLE DES ÉLUS
Les auteurs de ce document souhaitent interroger les candidats aux élections et obtenir leur avis sur ce diagnostic et ces propositions. Le débat public de l'urbanisme est important car il concerne l'habitant et ses modes de vie.
Le premier magistrat de la commune ou de la communauté urbaine porte une responsabilité évidente et directe dans l'aménagement de la ville et des territoires sous son influence : par sa capacité à délivrer des autorisations d'urbanisme, l'élu se place, de fait, en position d'aménageur.
Cette contribution a pour but de le mettre au centre de cette position et de lui rappeler que la bonne compréhension des problèmes d'urbanisme durable est primordiale parce que cette notion touche à l'économique, à l'environnemental et au social.
COMPRENDRE LES MODIFICATIONS SOCIÉTALES
Les modifications sociales et sociétales de ce siècle sont inédites. Elles sont connues mais il est bon de les rappeler car elles apportent de l’intelligence dans nos projets :
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Accroissement exponentiel de la population mondiale, cet accroissement touchant également la France, plus que d’autres pays européens. L’INSEE et la Région nous affirment que le Nord-Pas-de-Calais sera peu concerné par cette augmentation car l’excédent du à une natalité vigoureuse est annulé par le départ vers des régions méridionales de notre jeunesse et de nos retraités. C’est l’héliotropisme : les jeunes recherchent dans le sud emploi et qualité de vie, les séniors retournent le plus souvent sur leurs lieux de vacances en quête de chaleur et de calme. Parfois, ils n’y trouvent pas leur compte et remontent chercher la chaleur des relations du nord !
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Cette stabilité autour de 4 millions d’habitants de notre population nous amène à considérer l’équilibre des territoires des lors que certains d’entre eux se projettent avec une augmentation de 3 ou 5 % : où prennent-ils la population ? Les territoires cibles sont-ils d’accord sur ces scénarios. La compétitivité des territoires a-t-elle alors un sens ? Ne faut-il pas plutôt s’inscrire dans une coopération des territoires ? Un développement qui se ferait au détriment d’un autre ne semble avoir aucun sens. Seule une « croissance endogène », celle qui permet la richesse et l’emploi à partir de rien, en se basant sur la création et l’innovation, semble la bonne direction pour un développement durable.
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Vieillissement jamais connu de la population. Dans 20 ans, la probabilité de rencontrer, en se promenant dans les rues d’Arras, des personnes de plus de 60 ans sera supérieure à 50%. Certes, certaines villes du sud-est nous dépassent d’ores et déjà en raison de l’héliotropisme déjà mentionné et notre région se vante d’accueillir une population jeune qu’il faut aussi retenir...Saurons-nous capter notre jeunesse ?
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Décohabitation - mais aussi recohabitation - des ménages. Si nos arrières grands parents revenaient sur terre, ils seraient surpris essentiellement sur deux niveaux : nos modes de vies et les nouvelles technologies. A leur époque, ils vivaient en communauté familiale intergénérationnelle et immobile; Désormais chaque génération vit séparément et souvent, en raison de la séparation des couples, il faut deux logements pour une famille ! A cette séparation physique s’ajoute l’éloignement qui s’est accéléré à partir de 1970 avec la diffusion généralisée de l’automobile.
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Paupérisation Tous les observateurs convergent sur ce point : notre avenir est plus orienté vers une certaine frugalité que vers une opulence revenue. Il faut préparer une ville frugale, « aimable », vivable, économe de ses moyens, intelligente, une ville des circuits courts, facile à utiliser … : on voit de manière intuitive comment ce que cette ville doit contenir comme ingrédients.
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Augmentation phénoménale des temps réservés aux loisirs : comme le calcule Jean Viard, nous avons gagné, en un siècle, 400 000 heures de temps « à soi » au cours d'une existence.
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Hyper mobilité Mondialisation : alors que nous parcourions en moyenne 5 kilomètres par jour en 1950, nous parcourons aujourd'hui 45 kilomètres par jour en moyenne, soit 9 fois plus. La mobilité est source d’épanouissement, d’équilibre, de connaissance. Mais nos modes de déplacement vont forcément changer avec la fin du fossile et le renchérissement de l’électricité. Les aires de covoiturage connaissent un franc succès. Les autostoppeurs sont toujours « à la ramasse » et en insécurité à la sortie des villes : n’est-il pas venu le moment de mettre en place des lieux d’autostop sur chacun des grands axes routiers ? Le coût : un abri, un peu de lumière et 20 m2 d’enrobés.
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Les NTIC, l’Urbanisme 2.0 : Gérard Mermet, sociologue, a classé dans ses « Francoscopies » le francais en Mutant, Mouton, Mutin. Certes une personne n’est jamais tout l’un ou tout l’autre mais il faut reconnaitre une vérité certaine à ce classement, le mutant étant celui qui trouve son compte dans les nouvelles technologies, les réseaux sociaux et les données en ligne. Il ne faut pas négliger le fait que les nouvelles technologies peuvent beaucoup apporter à la ville et au citoyen dans la gestion dynamique quotidienne; les quelques expériences d’urbanisme 2.0 ayant été très encourageantes.
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Menace sur la ressource, toutes les ressources : l’eau, les terres agricoles, les combustibles fossiles, le climat, la nourriture, la biodiversité. La ressource n’est plus à exploiter mais à préserver. C’est un changement d’attitude qui a et aura des répercussions sur chacun d’entre nous, nos modes de vie, nos certitudes, nos habitudes. Ces changements sont encore assez peu perceptibles dans notre territoire : d’autres villes, d’autres régions en France et plus souvent en Europe de nord se sont depuis placées dans une attractivité écologique et urbanistique certaine. Nous les présenterons plus loin en les plaçant sur des échelles de grandeur.
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Le tourisme et l’attractivité par un urbanisme exemplaire et une architecture innovante n’est pas une expression dénuée de sens. Cinq Mille français se rendent chaque année à Fribourg pour visiter les quartiers Vauban et Reisefeld. Rennes métropole a développé la notion de tourisme de promenades urbanistiques et architecturales. On peut donc considérer qu’au tourisme patrimonial qu’Arras connait - à juste titre - auquel s’ajoute le tourisme de mémoire, pourrait s’ajouter, comme dans d’autres territoires qui ne connaissent pas les deux premiers, le tourisme d’attractivité urbanistique et architecturale. Quand on va au Louvre-Lens, on admire le dedans et le dehors ! Si le bâtiment du musée Guggenheim avait été ordinaire, « l’effet Bilbao » aurait été impossible. Des cars se déplacent désormais à Amiens métropole pour visiter de nouvelles opérations d’urbanisme innovantes où la population reconnait spontanément son bien-être. Qu’y-a-t-il d’attractif sur ce thème dans notre territoire ?
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Menace sur la Ville. Nous l’avons vu, il y a une fuite de nombreux citoyens de la ville vers le périurbain. On la justifie le plus souvent par la cherté des opérations intramuros ou par la volonté de réaliser une opération financière transmissible, par le besoin de place – les logements en villes seraient inadaptés aux besoins de la famille - ou enfin par la quête de nature. On voit le risque d’une telle situation : une ségrégation parmi les habitants de la ville; une ville vieillissante n’accueillant plus que des ménages âgés y revenant à la recherche de loisirs et de culture. Ce serait une catastrophe urbaine autant que économique que sociale. La ville est à tous : actifs et inactifs, jeunes et retraités, riches et modestes, classiques et bobos. Là comme ailleurs, ce qui fait sa force, c’est sa diversité. Il nous faut donc réfléchir et examiner s’il n’y a pas d’autres raisons de départ que celles décrites ci-dessus : N’y-a-t-il pas des tares portées par la ville qui en feraient fuir ses habitants. Des raisons qui feraient que les bonus seraient inférieurs aux malus, autrement dit que les gains de la rencontre seraient inférieurs aux craintes de la sécurité. Une certaine « urbaphobie », décrite par ailleurs, cite le plus souvent la pollution et les miasmes, la promiscuité, le bruit, l’insécurité. Force est de constater que toutes ces caractéristiques, si elles sont exactes, relèvent principalement de la gestion de la ville. La pollution en ville a nettement régressé par l’amélioration des systèmes de chauffage et la part liée à l’automobile est moins élevée sous le double effet d’un moindre trafic en centre-ville et d’un meilleur rendement des moteurs. La promiscuité, quand elle n’est pas dénoncée au titre de la recherche d’un repli sur soi, est en réalité une diversité évidemment nécessaire, la ville ne pouvant être la propriété exclusive d’une classe sur l’autre. Reste le bruit et l’insécurité que je placerai un peu sur le même plan. Parce que le bruit est une agression, qu’il touche personnellement et physiquement la personne et qu’il est le fait d’un individu qu’il traumatise réellement. La recherche d’une ville aimable et apaisée doit être un axe de travail permanent pour les élus, d’abord par la recherche de calme. On est frappé, quand on vit dans les villes d’Europe du Nord du caractère paisible de ces villes. Certes, la voiture y a une place beaucoup moins dominante mais les engins à moteur bruyants y sont bannis. On peut citer à cette occasion l’excellente initiative de la ville de Pau (84 000 habitants) qui, par l’opération « touche pas à ton pot » a tout simplement récompensé les motocyclistes respectueux en leur redistribuant une prime provenant de ceux qui avaient été verbalisés pour modification illégale et le plus souvent sonore de leur engin. Simple mesure qui a permis de retrouver un niveau de calme en ville qui fait défaut à ARRAS. Enfin, l’insécurité c’est également la vitesse. Certes des Zones 30 ont été mises en place. Mais sans contrôles, ces mesures ne servent à rien : la vitesse moyenne dans le bas de la rue Saint Aubert reste une vitesse de boulevard urbain et la déclivité naturelle de la route aggrave la situation. 30 c’est 30 : à 35 on verbalise car il y va de la sécurité de tous. Et ceci à toute heure du jour et de la nuit.
Les habitants déclarent souvent : « on va partir et faire construire une maison à (ville de campagne). On a envie d’être au calme et à la nature ». Mais cette légitime recherche de tranquillité et de ressourcement est-elle satisfaite dans le péri-urbain ? Avec objectivité, très rarement : celui qui a vécu le bal des tondeuses du samedi après-midi, quand ce n’est pas le dimanche matin, et le passage de la sulfateuse dans le champ riverain ne pourra me contredire.
Il faut rechercher les qualités que les gens vont chercher à l’extérieur des villes et les ramener en ville. Hervé VINCENT, Architecte (Lyon).
Cette réflexion doit nous guider dans l’aménagement de la ville car elle traduit intuitivement la première recherche du citoyen : un cadre de vie apaisé intégrant la nature. La responsabilité de l’élu dans cet apport de bien-être est évidente. Yves Duteil, lors d’une intervention à Cité Nature en octobre 2009, illustrait merveilleusement bien cette capacité. Alors qu’il voulait urbaniser un secteur de sa commune (Precy sur Marne), il a fait le choix d’un plan masse favorisant clairement le rapprochement entre habitants. Depuis la livraison de l’opération, disait-il, par la manière dont l’opération a été conçue (desserte voiture par l’arrière et large espace public central ouvert à tous au centre) et par les rapports sociaux qu’ils ont engendrés, des repas sont spontanément et très fréquemment organisés entre habitants : repas malgache, vietnamiens, algériens, … les 13 ethnies présentes dans l’opération offrent autant leurs repas que leurs riches diversités culturelles.
Certes, chacun sait que les demandes des habitants sont souvent individualistes. Mais mises bout à bout, ne traduisent-elles pas, en réalité, une demande sociétale globale : une ville sure, agréable, où les rapports entre personnes sont apaisés. La traduction habitante est : bruit, vitesse, crottes de chien. C’est bien un aspect important de la sécurité et de l’éducation qui s’exprime derrière ces mots que l’on aurait tort de trouver réducteur.
Le cadre de vie que l’on offre au citoyen est déterminant : on peut fabriquer des ghettos ou au contraire des lieux de rencontre. C’est une question de choix politique d’abord et d’intelligence technique ensuite.
« Un homme qui n’est pas informé est un sujet, un homme informé est un citoyen » a dit un jourAlfred Sauvy, sociologue. Faire participer l’habitant n’est pas qu’une obligation règlementaire. Parce qu’il permet au plus humble de s’exprimer, donc d’exister, la démocratie participative (beau pléonasme) est une source d’épanouissement personnel. Quelles que soient ses revendications, il est reconnaissant quand on lui permet cette expression directe.
La rue a ses flux, ses rythmes qui débutent avec l'heure des écoles et des salariés. La matinée est le temps des livraisons. La ville est fréquentée le midi par les salariés en pause autant que par les étudiants des grands bahuts. Les courses et les promenades de l’après-midi font les bonnes heures des commerçants et annonce l'heure de sorties de bureau. Vient enfin l’heure des restaurants avant les sorties théâtres ou cinéma.
Chacun est légitime dans sa fonction pour utiliser le même espace avec ses exigences propres : fonctionnalité, facilité et rapidité d’accès pour les uns, bien être apaisement et sécurité pour les autres. Souvent les demandes peuvent paraître contradictoires. Comment alors partager de l’espace public ?
Mais surtout : Comment anticiper sur une autre vision de l'aménagement, moins dépendante de la voiture et intégrant dès maintenant le vieillissement de la population et ses inéluctables répercussions en terme de mobilité ? La bonne ville est celle qui aura su anticiper. Mais le pas de la ville est un pas long. On estime à 20ans le temps nécessaire pour y apporter des modifications importantes.
Bien sûr, il nous faut un regard global sur ces données fragmentées car interactives : la mondialisation est accélérée par nos voyages à l’autre bout de la planète, rendue possible par les NTIC, parce qu’on a plus de temps libre et que les voyages sont moins chers….. La décohabitation est facilitée par l’autonomie et la circulation.
On peut alors affirmer que l’exclus, de nos jours, est, notamment, celui qui n’a pas accès aux NTIC, ne peut pas se déplacer et n’a pas accès aux loisirs. D’ailleurs, dans la recherche d’emploi, un des premiers critères des demandeurs s’exprime désormais ainsi : pourrai-je encore avoir du temps libre le soir ou le WE ?
LA VILLE DURABLE ET SES EXIGENCES
Ainsi, il apparaît que la ville durable possède un certain nombre de caractères propres :
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Respectueuse : de son histoire et de son environnement, de ses paysages urbains et périurbains, mettant en valeur du patrimoine...
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Aimable et apaisée : transports, densités, espaces publics, espaces naturels et agricoles, rapports ville/péri-urbains/campagne…
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Ouverte et participative : logement, mobilités, accessibilité, équipements publics…
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Accessible : au sens des coûts (transports, énergies), de la mobilité, de ses rapports avec ses franges périurbaines et son périurbain plus lointain.